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J e  r a c o n t e  d e s  s a l a d e s

En attendant mon tour

Plus rien ne bouge à présent.

Un silence de mort s’est installé dans les environs.

Mon cœur me martèle la poitrine. J’encaisse les uppercuts.

Je respire par la bouche. Malgré cela, chaque inspiration peut me trahir.

Recroquevillé dans ma planque, je suis à l’affût du moindre mouvement, du moindre bruit. Peut-être aurais-je dû courir plus loin, chercher un abri plus sûr. Mais tout est allé trop vite. Je n’ai pas pu. Nous avons à peine eu le temps de réagir. Maintenant c’est trop tard, il faut s’en remettre au destin.

On ne sait pas combien de temps ça dure.

Hier un de nous est tombé. Il a craqué et s’est rendu. Il manquait de force mentale sans doute. Cela fait-il de lui un dégonflé ? Un lâche ? Un déserteur ?

Il faut que je résiste.

Ne pas bouger, ne pas tousser, ne penser à rien. Attendre patiemment que mon tour vienne ou que, par chance, il ne vienne jamais.

J’ai le sentiment d’être un animal en détresse. Une proie en puissance face à l’implacable loi du plus fort. `

Je suis un caméléon qui veut échapper au perfide serpent. Je suis un petit poisson fuyant le requin-marteau. Je suis une mouche qui doit éviter la toile.

L’ennemi est-il assez malin pour me débusquer ?

Cela fait maintenant un bon moment que je suis tapi dans ce trou.

Blotti dans mes bras, comme un orphelin. Je suis seul avec moi.

Je ne suis plus trop sûr de sentir le sang circuler dans mes jambes. Les fourmis commencent à faire leur travail. Une crampe me tiraille le mollet gauche et ma nuque me lance. Mon corps me lâche.

Mais il faut tenir, encore et toujours.

Si je veux être le héros je me dois de tenir. Mon père serait fier de son fils. Je pense à mes amis et à ma tendre, que je veux revoir. Si je résiste, elle admirera mon courage, ma bravoure. Pour elle, je veux y arriver.

Le temps semble s’être arrêté dans l’éternité. Mes nerfs sont prêts à lâcher, eux aussi.

C’est désormais mon cerveau qui prend le relais.

Je me parle intérieurement. Pour ne pas céder à la folie et à la panique. Pour m’assurer que je suis toujours là, que je ne suis pas passé de l’autre côté.

Je suis arrivé jusqu’ici, je dois résister.

J’entends des compagnons se faire prendre. J’entends des cris, des hurlements de terreur. J’entends les clameurs de l’ennemi. Les exclamations de victoires, la joie perverse de la gloire.

Leur abri n’était pas assez astucieux sans doute. Dans la hâte et la précipitation, ils se sont terrés là où ils ont pu. Cela s’est fait tellement vite…Quelques secondes à peine. La menace était déjà là. Il faut être efficace, agile et futé. Cerner l’ennemi, anticiper son regard, ses mouvements. Je connais bien la zone, ses recoins et ses reliefs, cela peut jouer en ma faveur. CHUT.

Des pas.

Il approche.

Il n’est pas loin.

Ce n’est pas le moment d’abandonner. Même si tout mon corps me lance des cris de détresse.

Je ferme les yeux. J’ai l’impression d’être mieux caché.

Cette fois-ci, mon cœur tente de s’échapper de ma cage thoracique.

La tension est palpable, je la sens contre ma peau. Elle appuie contre mes tempes. Mes nerfs ne savent plus s’ils doivent me faire rire ou pleurer.

Je fais le vide, j’essaie de penser à autre chose. A ma tendre.

Mais non, je ne peux pas m’empêcher de guetter les bruits de pas qui deviennent de plus en plus menaçants. J’imagine l’ennemi, son visage sombre, le regard sournois, guettant le moindre remous, l’imperceptible cillement, la déglutition feutrée.

Lui n’est pas discret pour un sous. Il marche d’un pas lourd, comme exagéré. Il parle tout haut, fort et nous appelle. De son ton mielleux, il nous promet la vie sauve, il glousse, jouit de son pouvoir. J’entends sa voix doucereuse, son ton fielleux. Allez viens ! Qu’on en finisse !

Suis-je en train de délirer ? Mon cerveau m’a-t-il aussi abandonné ?

Il est là. A quelques centimètres.

J’ai peur.

Je ne sais plus pourquoi.

Je tremble.

Je l’entends inspirer, expirer.

Inspirer, expirer.

Inspirer, expirer.

Inspirer…

« Trouvé ! Haha ! Je t’ai eu ! Hé, je l’ai eu ! Paul, Camille, Marie, rallumez la lumière ! J’ai enfin trouvé Lulu sous le bureau !

  • Maiiiiiiiiis, c’est pas du jeu ! Tu n’as pas compté jusqu’à dix avant d’éteindre la lumière !
  • Rooooh, tu es toujours mauvais perdant Lulu quand on fait un cache-cache dans le noir !
  • Bon… à mon tour de compter. »
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